Discours d'ouverture du Chapitre de Strasbourg par Albert Hankenne

 

 

 

Confrérie de la Chaîne des Rôtisseurs

vzw Bailliage de Belgique asbl

Avenue de l’Armée / Legerlaan  82 – 82 A    1040 Brussel / Bruxelles

 ' 32.2.735 61 25 - 6 32.2.736 02 02

 

                                              Strasbourg, 25 mars 2011,

 

              Bien Chers Confrères,

Chères Dames de la Chaîne,

Chers Amis,

 

Je vous confierai que je suis tout à la fois honoré et heureux d'être aujourd'hui l'officier devant procéder aux intronisations. Honoré tout d'abord parce qu'effectivement c'est un honneur que d'être désigné pour introniser de nouveaux membres dans notre confrérie ! J’en remercie cordialement le président international Monsieur Yam Attalah, et le bailli délégué de France Michel Cottray, alors que d'autres, présents ici ce soir, eussent été plus indiqués que moi pour procéder à cette importante cérémonie, et je pense plus particulièrement à deux amis très chers : Günter Albert membre du conseil d'administration et Klaus Trichler bailli délégué d'Allemagne. Heureux ensuite, car j’ai un sentiment d'amitié particulier – je vous l’avouerai – pour le bailliage d'Alsace renaissant et pour les membres de son Comité, qui incontestablement ont retroussé leurs manches pour relancer un bailliage dans cette belle région qu’est l’Alsace, région bénie des dieux s’il en est, tant pour la gastronomie et l’œnologie que pour la culture, et alors que Strasbourg et Bruxelles partagent de mêmes idéaux et sont toutes deux capitales de l'Europe ! Lors de notre dernier chapitre international en Belgique, j'avais organisé la cérémonie d'intronisations sur un bateau alors que nous naviguions vers notre endroit de dîner de gala ; la coïncidence avec la cérémonie d’intronisations d’aujourd’hui est  bien sympathique.

Notre prestigieuse confrérie gastronomique est incontestablement la plus grande et la plus ancienne dans le monde, et elle trouve bien naturellement sa place dans le bailliage d'Alsace, qui lui-même occupe un espace tout spécial dans le prestigieux bailliage de France. Félicitations donc à nouveau au comité qui est à la base de cette renaissance ; félicitations aussi à tous les membres qui veulent participer activement à cette belle aventure. Bienvenue spéciale aux nouveaux membres qui ont choisi de s'engager ce soir ; ayez conscience que vous ferez ainsi partie intégrante de cette remarquable et prestigieuse famille gastronomique internationale, et sachez aussi que dorénavant, en tout temps et à travers le monde entier, vous serez bienvenus dans la confrérie de la chaîne des rôtisseurs. Bienvenue aussi à toutes celles et ceux qui nous ont rejoint ce soir, venant du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest . Merci de votre sympathique présence

Avant d'aborder l'esprit qui prévaut dans la chaîne des rôtisseurs, je souhaiterais vous entretenir quelque peu de son extraordinaire parcours historique à travers les siècles. Rassurez-vous...  la chaîne ayant 763 ans d’existence, je vais largement en résumer  l’historique !

1248 tout d’abord. Le Roi Louis IX de France, qui plus tard sera appelé Saint-Louis, s'aperçoit que l'on fait à peu près tout et n'importe quoi, n'importe quand et surtout n'importe comment ! Il va dès lors confier à Etienne Boileau, Prévôt de Paris, la mission de mettre de l'ordre dans l'organisation des métiers et des corporations, en formant de jeunes apprentis et en améliorant les connaissances techniques des membres des corporations. Il est très intéressant de noter que ce sont toujours les mêmes objectifs qui sont aujourd’hui poursuivis  par la Chaîne ! Le Roi rassemble ainsi les statuts de plus de 100 de ces confréries, dont celle des Ayeurs, ou rôtisseurs d’oies, l’oie étant un met particulièrement estimé à cette époque. Au fil du temps, les activités et privilèges de la corporation des Ayeurs vont être élargies.

1509 : durant le règne du Roi Louis XII, le nom de la gilde, de cette confrérie des Ayeurs va être rebaptisée en « rôtisseurs », et ses activités vont comprendre la préparation et la vente de toutes sortes de viandes, dont la volaille et la venaison.

1610 : sous le règne de Louis XIII, la confrérie des rôtisseurs va recevoir une charte royale ainsi que des armoiries. Les armoiries d’origine de la confrérie consistent en deux broches entrecroisées et quatre lardoires, entourées par les flammes du foyer sur un blason.

Ainsi, pendant plus de quatre siècles, la Confrérie des Rôtisseurs va cultiver et développer l'art culinaire ainsi que des exigences très élevées de professionnalisme et de qualité (ce sont les exigences qui siéent à la splendeur de la « Table Royale ») jusqu'à ce que le système des corporations soit dispersé pendant la Révolution Française en 1793.  La Chaîne sera alors pratiquement oubliée jusqu'en 1950.

1950 : c’est en effet en cette année que le Docteur Auguste Bécart, deux journalistes : Jean Valby et le célèbre Curnonsky – appelé de son vivant le “Prince des Gastronomes” – et deux Chefs, Louis Giraudon et Marcel Dorin, se souvenant de l'existence de la Corporation des Rôtisseurs, vont ressusciter cette association et créer ainsi la confrérie de la chaîne des rôtisseurs ! Ils vont adopter un logo constitué de l'ancien blason historique au centre, entouré de fleurs de lis et de deux chaînes, la chaîne intérieure représentant les membres professionnels ; la chaîne extérieure les membres non-professionnels et le lien qui unit tous les membres.

C'est ainsi que vous trouverez encore sur notre logo deux dates de fondation : 1248 qui est la fondation première, et 1950 qui fut la date de la résurrection de la confrérie.

L'esprit de la chaîne des rôtisseurs : voilà bien un sujet important qui est fondamental au sein de notre confrérie. Comme l'écrivait la Rochefoucauld : « manger est un besoin, savoir manger est un art » ! Pour résumer très fort l'esprit qui préside chacune de nos réunions, j'ajouterai que la chaîne promeut le bien manger et le bien boire, dans un climat d'amitié et de respect les uns des autres. Et ceci est, je le répète, fondamental. La chaîne est le symbole d'une culture majeure du plaisir et de l'amitié, à table, ceci se pratiquant à travers le monde. Et c’est important l’amitié ! Comme l’écrivait si bien ce merveilleux poète libanais, Khalil Gibran : « les amis, ainsi que des parents, sont comme des anges qui nous soutiennent lorsque nos ailes ont de la difficulté à se rappeler comment voler… »

Culture et humanité, plaisir et amitié, ne connaissent ni frontières politiques, ni différence entre les peuples et les races, pas de conflit entre personnes de religions différentes, l'engagement des rôtisseurs étant de placer l’art de la fine cuisine et des fins repas au centre de leurs obligations, ceci à travers l'amitié et le respect pour la dignité des autres. Et je souhaite que vous puissiez vraiment en prendre toute la mesure. C’est ce sur quoi les nouveaux membres vont, par leur intronisation, s’engager. Et sachez que les nouveaux membres, et ceux qui s'apprêtent à nous rejoindre, apportent vitalité et vigueur, non seulement à leurs Bailliages locaux, mais également à toute la Chaîne.

Être un membre de la chaîne des rôtisseurs est un privilège. Un privilège pour les personnes pour lesquelles la fine gastronomie, la camaraderie, le plaisir et l’art de la table représentent une part importante de leur philosophie de vie. Tous les membres faisant partie de la chaîne, baillis ou chevaliers, sont égaux. La seule distinction entre les grades consiste en la durée de l’affiliation dans la Confrérie, ou au fait que l’on exerce une activité ou une fonction officielle dans le bailliage. Et à ce propos, la garantie d’un cheminement durable et optimal d’un Bailliage est la capacité de tous ceux qui sont actifs dans les Comités à le faire sur une base volontaire. La mesure de cet engagement doit - être et rester - le plaisir et la volonté de respecter les objectifs de la Chaîne. Ainsi donc une exigence de rémunération ne devra jamais être le facteur motivant. La chaîne a foi dans la solidité de sa tradition : une tradition non pas coulée dans la pierre, mais qui reste vivante et essentielle, attentive à augmenter continuellement ses standards, malgré le rapide changement  que nous connaissons dans tous les domaines.

La grande diversité et la présence géographique de la Chaîne dans le monde entier nous rappellent que chaque Bailliage est un maillon essentiel d'une communauté mondiale dynamique plus vaste. Forte de près de 25 000 membres répartis dans plus de quatre-vingt pays, la Chaîne s'agrandit et évolue sans cesse au fil de la création de nouveaux Bailliages. Le siège mondial est situé à Paris. Constamment, de Lituanie à Oman, en passant par l’Inde, l’Equateur, le Cambodge, entre autres, de nouveaux bailliages sont créés.

D’autres, nombreux eux aussi, sont en voie de l’être. Comme vous pouvez aisément vous en rendre compte, la chaîne est vraiment internationale.

Spécificité unique de la Chaîne, le statut de membre est transférable dans le monde entier. Cela signifie que si vous devenez membre de la Chaîne dans un pays et que, pour des raisons professionnelles ou personnelles, vous déménagez dans un autre pays, votre statut de membre reste valable. En outre, il vous permet de faire partie du réseau international de la Chaîne et de participer aux événements et activités organisés par la Chaîne dans le monde entier.

 

OMGD : C’est la petite sœur ou le petit frère liquide de la Chaîne, qui offre ainsi à ses membres l'opportunité d'adhérer à L'Ordre Mondial des Gourmets Dégustateurs, spécialisé dans la critique et la connaissance des vins, alcools, liqueurs et eaux de vie. L'Ordre Mondial, fondé à Paris le 2 septembre 1963, est un maillon à part entière de la Chaîne. Sa vocation principale est de promouvoir et faire progresser la dégustation des grands vins et des alcools de luxe du monde entier par l'organisation de dîners, dégustations, conférences et concours ainsi que la publication d'articles et de revues encourageant la connaissance et l'appréciation des vins et alcools.

(L’ACCR ): Pour terminer je souhaite encore vous entretenir brièvement d’un aspect de la Chaîne que, personnellement, j’apprécie tout particulièrement, à savoir la création de l’ACCR, Association Caritative de la Chaîne des Rôtisseurs. La Chaîne des Rôtisseurs est l’une des associations internationales gastronomiques les plus réputées et respectées, qui réunit des membres du monde entier dans le même esprit de fraternité et d’amitié. La Chaîne est aussi une passerelle entre les différentes cultures et à ce titre, a vocation à soutenir, partout où cela apparaît nécessaire, les plus démunis. C’est pourquoi la Chaîne des Rôtisseurs a décidé d’élargir son champ d’intervention, en ne le limitant pas à la restauration et à l’hôtellerie. Pour « protéger et partager », elle a officiellement fait enregistrer, en janvier 2008, une fondation destinée à intervenir dans le secteur du développement social pour nourrir et améliorer les conditions de vie des plus démunis, en particulier les enfants.

 L’ACCR est donc une entité de la Chaîne à but non lucratif, créée pour apporter aide et assistance par le biais d’initiatives et de programmes d’aide mondiaux. En outre, grâce à son maillage international, la Chaîne peut créer ce lien direct qui évite toute déperdition dans l’affectation des fonds : 1 euro donné est 1 euro distribué. Et par cette assistance, nous savons que notre soutien aidera directement quelqu'un qui en a besoin, quelque part dans le monde. Chaque année nous soutenons un projet différent.

 

Les longs discours ne sont pas appréciés dans les réunions de la chaîne (sauf lorsqu’il s’agit d’un discours préalable aux intronisations) et sont d'ailleurs interdits durant les repas.

 

Durant les repas en effet, on y discute aimablement ensemble et on ne pérore pas ! Aussi, je m'en voudrais de vous importuner davantage et j'en termine donc avec mon introduction à ce qu'est la chaîne des rôtisseurs. Je le fais d'autant plus volontiers que je crois humer cuir et rôtir de bien bonnes choses... Et je suis certain qu'après ce dîner qui sans nul doute sera excellent, nous n'aurons pas à faire nôtre cette remarque que faisait un jour Curnonsky alors qu'il avait été invité par une amie, à dîner chez elle. Interrogé sur la qualité du repas, il répondit après quelques moments de réflexions : « si le potage avait été aussi chaud que le vin, le vin aussi vieux que la poularde et la poularde aussi grasse que la maîtresse de maison, le dîner eût été presque convenable... ». L'histoire ne dit pas s'il garda cette amitié !

 

Je déclare donc ouvert ce premier Grand Chapitre d'Alsace et j'espère - j'en suis sûr - que chacun jouira pleinement de cette belle soirée de gala.

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